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Une autre atmosphère

Lena descend du train tout doucement.
Sur le quai elle garde sa valise à la main car elle peine à la faire rouler, elle ne sait pas trop comment s'y prendre.
Elle se sent terriblement provinciale, dans cette atmosphère inconnue. Elle voudrait rebrousser chemin et rentrer chez elle immédiatement. Mais bien sûr elle n'a pas le choix, elle doit y aller.
Elle avance un pied devant l'autre. Elle regarde autour d'elle.
Hésitante, elle se laisse bientôt porter par le flot des voyageurs.

Quand elle se retrouve dans le grand hall de la gare l'air sec la prend à la gorge. Il fait extrêmement chaud. Elle transpire ses vêtements lui collent à la peau.
"Il ne faut pas que je panique"

Sa fille lui a bien précisé : "tu prends le métro, la ligne 6 en direction Nation et après tu changes tu prends la 2 jusqu'à Philippe Auguste. Là tu y seras à 2mn. Tu vas voir tu ne pourras pas te tromper" .

Elle y a déjà été à cet hôpital, elle y a même séjourné. Mais cette fois-ci personne pour l'accompagner. Elle a dû se résoudre à affronter seule la capitale.

Les gens autour d'elle savent tous où ils vont, ils marchent d'un pas décidé sans un regard pour personne, ils sont dans un autre monde absorbés dans leur conversation téléphonique.

La chaleur lui devient insupportable, elle sent une angoisse monter en elle, l'étreindre, lui serrer le cœur. C'est trop, trop de monde, trop de bruits, trop de lumière, trop de chaleur, trop grand.

Elle vacille, se reprend, respire, inspire expire. Elle connaît les exercices de respiration qui doivent l'apaiser. Inspire, expire...
Il ne faut pas qu'elle pense à son cœur, cet organe devenu défaillant depuis cet accident. Ce cœur qui justifie ce rendez-vous.

Elle n'est jamais venue seule à Paris, et pourtant elle s'y était trouvé bien lors de ses quelques visites à sa fille. Sa fille était venue la chercher à la gare, tout lui avait semblé si simple.
Elle avait adoré se promener avec elle dans les rues, découvrir ces petits salons de thé charmants, ces boutiques, ces bars improbables où le vin chaud lui avait paru la chose la plus délicieuse qu'elle ait jamais bue. Elle avait aimé longer la Seine, traverser les ponts, marcher nez en l'air.

Mais aujourd'hui sa fille ne vit plus à Paris et maintenant Lena est seule et doit trouver ses repères toute seule.

Elle voudrait être dans sa voiture, petit abri qu'elle connaît parfaitement. Là au moins elle sait comment faire pour ne pas se perdre. Le GPS et sa voix rassurante, « tourne à gauche, prend la 3ème route au rond-point », un merveilleux guide. Elle rêve à cette solitude rassurante qui lui convient si bien.

Mais ici elle est perdue avant que de chercher sa direction.
Elle tente de repérer des indications, comment trouver le métro. Où cela peut-il bien être affiché. Il doit y avoir un logo indiquant la direction.
Elle ne voit désespérément rien qui puisse l'aider.

Allons respire, expire, souffle bien. Mais elle a si chaud.

Elle essaie de se souvenir, il faut dépasser les départs des grandes lignes
Elle avance encore un peu,timidement, bousculée par des voyageurs impatients, qui ne s'inquiètent pas de cette pauvre femme désolée.

Elle est en panique.
La gorge serrée, la tête dans un étau, le cœur bat la chamade.
Elle ne parvient plus à reprendre ses esprits, elle suffoque. Son corps devient si lourd, ses jambes flageolent.
Elle cherche de l'air, vite de l'air s'il vous plaît, mais elle semble avoir oublié comment respirer.
Elle voit des étoiles, elle pense « des étoiles ici mais où est le ciel ? ».

Tout devient noir.

Elle s'écroule, elle lâche sa valise et s'affale de tout son long.
Les voyageurs contournent ce corps inanimé.

"Bonjour chers auditeurs, il est sept heures et le temps va encore être beau aujourd'hui"

"Lena, Lena, réveille toi, il est l'heure, dépêche toi mon chou, il ne faut pas rater notre train"

Anne
Mars 2020

2 thoughts on “Une autre atmosphère

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